« Noire » pour masquer notre ignorance. En effet à la fin des années 1990 des mesures de distances sur des objets lointains extrêmement lumineux, les supernovæ, ont montré que l’expansion de l’univers accélérait.
Depuis les années 1920 et les travaux observationnels de Edwin Hubble, on sait que les galaxies dans l’univers s’éloignent les unes des autres, et ce d’autant plus rapidement qu’elles sont loin. Ce qui traduit un univers en expansion.
Expansion relativement bien expliquée par le paradigme du Big Bang, justement, création d’un espace-temps qui tisse sa toile et s’étend en emportant dans son élan la matière à laquelle il sert de support. En conséquence de quoi les galaxies s’éloignent les unes des autres. On pensait alors — légitimement — que l’expansion de l’univers était tranquillement en train de décélérer, la gravitation faisant son œuvre, en ralentissant la fougue des galaxies initialement propulsées par cette « explosion » initiale, le « Big Bang ». Or les mesures effectuées à l’aide de plusieurs dizaines de supernovæ dans les années 1990 montraient exactement l’inverse !
Les résultats publiés par les observateurs indiquaient clairement que non seulement les galaxies s’éloignent les unes des autres, mais elles le font de plus en plus vite : l’expansion de l’univers accélère ! De fait, voyant surgir des observations un résultat exactement opposé à ce à quoi ils s’attendaient, les astrophysiciens crurent à une erreur d’analyse. Ils recommencèrent. Même résultat.
Il a fallu finalement se rendre à l’évidence : l’expansion de l’univers est en pleine phase d’accélération. Depuis ce résultat a été confirmé par d’autres observations connexes, il est clairement admis par l’ensemble de la communauté. Pour expliquer cela, les astrophysiciens invoquent une invoquent une substance nouvelle qui emplirait l’univers avec une caractéristique particulière. Sa densité d’énergie est constante, elle n’évolue pas, ne se dilue pas avec l’expansion, donc avec le temps. On l’appelle « énergie » parce qu’elle est utilisée dans les équations avec les unités physique d’une énergie. D’ailleurs les mesures actuelles donnent une valeur à cette densité d’énergie d’environ 0,6 nanojoules par mètre cube. On la qualifie de « noire », non pas parce qu’elle est noire ou pure, ou obscure, ou mauvaise, mais simplement parce qu’on ne voit rien. On met sous le tapis de cette noirceur tout ce que l’on ne sait pas à son propos.
Pourquoi une substance de densité d’énergie constante baignant l’univers ferait en sorte que celui-ci accélère ? Le concept d’accélération n’est ici pas le même que celle d’un objet du quotidien, ce n’est pas la variation d’une vitesse. Parce que le taux d’expansion de l’univers n’est pas une vitesse, mais plutôt une échelle de temps. C’est le temps que met l’univers pour doubler sa taille, par exemple.
Les lois de la relativité générale d’Einstein nous disent le taux d’expansion de l’univers, autrement appelé paramètre de Hubble, est directement proportionnel à la densité d’énergie de ce qu’il contient. Si ce contenu a une densité d’énergie constante, alors le taux d’expansion est constant. Si ce taux d’expansion est constant, alors dans un intervalle de temps donné (qui est à peu près de 13 milliards d’années, le temps de Hubble), l’univers double sa taille. Cela signifie qu’une galaxie se situant aujourd’hui à une certaine distance, se trouvera au double de cette distance (par rapport à nous) dans un temps de Hubble soit 13 milliards d’années. Et comme sa distance double dans le même intervalle de temps, elle se trouvera à quatre fois sa distance initiale si on ajoute à nouveau un temps de Hubble, donc dans 26 milliards d’années. En ajoutant encore un temps de Hubble, donc dans 39 milliards d’années, sa distance va encore doubler pour atteindre huit fois sa distance initiale… En doublant le temps, on quadruple la distance. La galaxie est donc en train de s’éloigner de nous de plus en plus vite, donc en accélérant ! Un taux d’expansion constant pour l’univers implique un mouvement accéléré d’éloignement de nous pour les galaxies individuelles.
Reste que personne n’a la moindre idée de la nature de cette mystérieuse « énergie noire » qui fait en sorte de contrebalancer le côté attractif de la gravitation pour engendrer une répulsion entre les galaxies. Les mesures actuelles laissent penser qu’elle pourrait être une simple constante fondamentale de physique à rajouter dans les équations de la relativité générale, la constante cosmologique. Néanmoins il existe beaucoup de théories alternatives pour expliquer sa présence et sa nature.
La façon dont les galaxies sont réparties dans l’univers n’est pas due au hasard mais dépend de son contenu et de son histoire. Et donc de la nature de l’énergie noire. En étudiant statistiquement cette répartition des galaxies, on peut cerner la nature de l’énergie noire. Et plus on observe de galaxies, plus on gagne en précision (en principe) sur ces contraintes. C’est l’un des objectifs de LSST avec son volume d’univers observé inégalé, ce qui devrait permettre à terme de réduire le champ des possibles.